Elles sont partout, mais on en parle trop peu. Les entreprises familiales représentent 83 % des entreprises dans le monde, qu’il s’agisse de 75 % des PME, 50 % des ETI ou encore 20 % des grandes entreprises. Une étude récente de la Chaire « Entreprises Familiales et investissement de long terme » utilisant des données françaises montre que les entreprises familiales représentent 71% du nombre total de groupes d’entreprises et contribuent à hauteur de 65% de la valeur ajoutée et 69% de l’emploi.
Et pourtant, il n’existe pas en France de définition juridique ou un modèle de société (SA, SAS…) pour se définir entreprise familiale.
De la start-up familiale à l’industrie centenaire, elles façonnent notre économie, emploient un salarié sur deux et perpétuent un savoir-faire souvent unique.
Mais qu’entend-on exactement par entreprise familiale ? Quels sont ses atouts, ses défis et ses perspectives ? Plongée au cœur d’un modèle économique qui, loin des clichés, incarne résilience et ambition.
On a souvent en tête l’image d’un petit commerce de quartier (boulangerie, boucherie etc.) ou d’une dynastie industrielle (LVMH, AFM etc.). Mais la réalité est bien plus vaste.
La définition d’une entreprise familiale est complexe et variable, s’appuyant sur des critères tels que la propriété du capital, le contrôle des droits de vote et l’implication de la famille dans la gestion. Les seuils de participation varient considérablement (entre 10% et 50%), influençant fortement le périmètre des entreprises considérées. Les définitions des entreprises familiales sont presque aussi nombreuses que les études (voir les recherches de la Chaire « Entreprises familiales et investissement de long terme »).
Devenir une entreprise familiale ne relève pas d’un simple choix administratif ou juridique, mais d’un mode de gouvernance et d’une vision à long terme. Une entreprise ne naît pas forcément familiale, elle le devient, au fil du temps, à travers des décisions stratégiques, une envie de transmettre/succéder et des engagements des fondateurs et de leur famille.
Bref, une entreprise familiale n’est pas forcément petite. Certaines des plus grandes entreprises du monde, comme Walmart, Ford, Nike ou en France: AFM (Auchan, Décathlon…), LVMH, Tarkett ou encore Les Galeries Lafayette, sont des entreprises familiales ayant su concilier héritage et modernité.
Selon le Comité économique et social européen qui s’est intéressé à l’entreprise familiale en 2016 dans les pays de l’union européenne :
Les entreprises familiales sont le pilier de nombreuses économies dans le monde et font preuve d’une formidable dynamique de développement. Elles sont source de croissance économique et d’emploi, et accordent une grande attention aux conditions régionales et locales. Il existe diverses raisons de créer une entreprise familiale; toutes ces entités ont néanmoins ceci de commun qu’elles reposent sur des systèmes de valeurs innées, sur la faculté de consentir à des sacrifices, ainsi que sur un sentiment d’obligation envers les fondateurs et les futurs acquéreurs. Les entreprises familiales résistent mieux aux périodes difficiles de récession et de stagnation, et l’une des principales raisons de leur viabilité est le sentiment de responsabilité personnelle vis-à-vis de l’image de l’entreprise
Compte tenu des valeurs uniques qui caractérisent les entreprises familiales et conformément au «Small Business Act», selon lequel «l’Union européenne et les États membres doivent créer un environnement dans lequel les entrepreneurs et les entreprises familiales peuvent prospérer et où l’esprit d’entreprise est récompensé», le Comité économique et social européen (CESE) demande à la Commission européenne de mettre en œuvre une stratégie active de promotion, auprès des États membres, des bonnes pratiques dans le domaine des entreprises familiales
La définition d’une entreprise familiale retenue par le groupe de travail du comité économique et social européen, est la suivante :
Si elles dominent le paysage économique, ce n’est pas un hasard. Leur ADN repose sur des piliers solides qui leur confèrent des avantages compétitifs uniques.
1. Une vision à long terme
Contrairement aux grandes entreprises soumises à la pression des actionnaires externes, les entreprises familiales privilégient la stabilité et l’investissement sur le long terme. Elles ne raisonnent pas en trimestres, mais en générations. Elles sont donc plus enclines à miser sur l’innovation, la transmission des savoir-faire et le développement durable.
2. Une résilience face aux crises
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 68 % des PME, 63 % des ETI et 57 % des grands groupes en France sont familiaux (en savoir plus). Leur structure capitalistique les rend moins vulnérables aux fluctuations des marchés financiers. Leur gouvernance stable et leur ancrage territorial renforcent leur capacité d’adaptation face aux crises économiques ou géopolitiques.
3. Un engagement sociétal fort
Les entreprises familiales sont souvent pionnières en matière de responsabilité sociale et environnementale. Leur ancrage territorial ou ancrage local les pousse à valoriser le Made in France, à créer des emplois et à adopter des pratiques éthiques qui font, pour certaines entreprises familiales, se développer des territoires entiers.
Si les entreprises familiales sont solides, elles ne sont pas pour autant infaillibles. Leur structure et leur mode de fonctionnement peuvent aussi devenir des freins si elles ne s’adaptent pas aux évolutions du marché.
1. Le défi de la transmission
La transmission de l’entreprise familiale est le talon d’Achille des entreprises familiales. En France, 25 % des dirigeants d’entreprises familiales ont plus de 60 ans, mais 75 % d’entre eux n’ont pas encore initié leur processus de transmission (voir l’étude Bpi Le Lab). Pourtant, il faut entre 7 et 10 ans, voire plus, pour assurer une passation réussie. Un manque d’anticipation qui met en péril la pérennité de nombreuses entreprises (Lire notre guide pratique sur la transmission dans l’entreprise familiale). Le défi de la transmission est aussi le défi de l’engagement des nouvelles générations.
2. Les tensions intra-familiales
Travailler en famille, un atout ou une bombe à retardement ? Les conflits de pouvoir, les différences de vision stratégique ou les rivalités générationnelles peuvent nuire à la cohésion de l’entreprise. Une gouvernance bien structurée est essentielle pour éviter les querelles qui peuvent parfois mener à des blocages. (Lire notre guide pratique sur le conflit dans l’entreprise familiale)
3. La gestion du changement
Certaines entreprises familiales souffrent d’un excès de conservatisme. Trop attachées aux traditions, elles peuvent manquer d’agilité face aux transformations numériques ou aux nouvelles attentes des consommateurs.
À l’heure où l’économie mondiale est en pleine mutation, les entreprises familiales ont plus que jamais un rôle à jouer. Elles sont les moteurs d’un capitalisme patient, capable de conjuguer performance économique et impact sociétal.
Mais pour cela, il est impératif de :
✔️ Faciliter la transmission en sanctuarisant des dispositifs comme le Pacte Dutreil, qui allège la fiscalité sur les successions.
✔️ Encourager les dirigeants à préparer leur succession dès 50 ans, afin d’éviter que la transmission ne devienne une source de fragilité.
✔️ Mieux structurer la gouvernance familiale pour prévenir les conflits et assurer une prise de décision efficace.
Retrouvez notre édito paru dans LaTribune en décembre 2024 avec le FBN France.
Le vrai défi ? Ne pas seulement devenir une entreprise familiale, mais le rester sur plusieurs générations.
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