De nombreuses familles-actionnaires se posent la question du contenu de leur projet collectif et de l’évolution de ce projet. Au-delà de l’entreprise ou des entreprises “historiques”, devons-nous développer d’autres activités ? Devons-nous mener la diversification de l’entreprise familiale ?
Cette interrogation peut venir de l’envie d’ouvrir un champ nouveau, d’une demande des actionnaires, de la réaction à une opportunité qui se présente…
Les modalités d’ouverture de nouvelles activités sont relativement simples à appréhender (investissement immobilier, création d’une fondation, acquisition d’un nouveau métier, développement d’une activité d’investissement…). Nous vous proposons un éclairage sur la manière dont ces nouvelles activités peuvent ou doivent s’intégrer dans le projet familial et la façon dont elles nourrissent la dynamique familiale.
Ouvrir de nouvelles activités, bien plus qu’une diversification patrimoniale
Une première approche classique est d’envisager la diversification d’abord d’un point de vue patrimonial ou financier. Il s’agit alors d’étudier l’intérêt de nouveaux projets en termes de maximisation de la performance économique ou en termes de diversification des risques, autour de l’activité historique de la famille. Cette vision patrimoniale est clé pour les actionnaires familiaux, dont le patrimoine commun avec l’entreprise est une composante majeure du patrimoine individuel et une source de revenus non négligeable au fil de l’eau avec les dividendes.
Mais au-delà, la diversification des activités est un moyen au service du renouvellement de la vision et de l’ambition des actionnaires. Vision et ambition sont des éléments qui doivent s’adapter à la maturité du collectif, à son évolution et à son environnement. Cette adaptation est stimulée par le renouvellement et le développement des actionnariats au fil des générations. En réfléchissant à la diversification puis en la mettant en œuvre, on prend en compte les attentes des nouveaux actionnaires. La diversification apparaît alors comme un formidable liant intergénérationnel. C’est un puissant vecteur d’adhésion au projet collectif voire d’implication dans ce projet, notamment pour les nouvelles générations. Un enfant peut ainsi proposer à sa famille un projet entrepreneurial et la famille décider collectivement d’intégrer ou non ce projet à l’origine individuel dans le projet collectif.
Les diversifications réussies (et celles qui échouent) permettent la transmission de valeurs et la réinvention d’une histoire partagée. Combien de familles citeront en exemple un oncle/une tante, un grand-père – qui a su réinventer en son temps l’aventure familiale en portant un nouveau projet, parfois de rupture ?
Vision > Mission > Ambition > Diversification
La diversification apparaît donc comme un moyen au service du triptyque “Vision, Mission, Ambition”. Elle permet d’adapter le projet d’actionnaires au collectif qui l’anime. Pour y travailler, nous avons l’habitude d’utiliser un outil simple : la matrice des objectifs des actionnaires. Cette matrice est composée des 4 grandes dimensions d’objectifs habituellement couvertes dans un projet d’actionnaires :
- Impact : le rôle que la famille souhaite jouer dans son environnement économique, social ou naturel,
- Ethique : la manière d’être actionnaires et de faire les choses,
- Finance & Performance : les objectifs de revenu, de développement du patrimoine…
- Cohésion : la bonne entente familiale, l’accueil des jeunes générations,…, avec la bonne organisation pour bien fonctionner
A noter que la place relative de ces 4 dimensions variant beaucoup d’une famille à l’autre.
La première étape pour se lancer pourra donc être de répondre aux questions :
- Quels sont les objectifs du projet collectif ?
- Les composantes de notre projet collectif (métiers, entreprises, performances…) permettent-elles de répondre aux objectifs de notre projet d’actionnaires ?
- Devons-nous imaginer de nouvelles manières de faire les choses ou de nouvelles activités pour atteindre nos objectifs ?
- Quelles nouvelles activités ?
Une fois la mise en cohérence effectuée entre les éléments déjà présents dans le projet et ceux, nouveaux, à aller chercher/structurer, voici quelques points de passages recommandés afin de poursuivre le chemin :
Définir chacune des activités souhaitées
- Quelle définition précise de chacune des activités, suivant quels critères ?
- Quels indicateurs clés de succès financiers/extra-financiers, niveau de cohésion des actionnaires ?
- Quels critères pour préciser les modalités des nouvelles activités, de telle activité d’investissement ou telle activité philanthropique : secteur, métiers, modèle etc… ?
Définir les modalités pour y aller (vraiment)
- Comment s’organiser opérationnellement pour mener cette diversification ? Diversifier au sein de l’entreprise/l’activité principale ou en dehors ? Tous ensemble ou avec un actionnariat à géométrie variable ?
- Quels moyens financiers et humains souhaitons-nous mobiliser ?
- Quelle gouvernance en fonction de cette organisation ?…
Enfin dans la mise en œuvre, il faudra être très attentif aux premiers retours du terrain, du marché, qui permettront d’adapter les modalités au fil de l’eau.
Un point essentiel : il convient de définir (avec ambition) le projet de diversification dans le cadre global du projet d’actionnaires.
La définition d’un projet de diversification passe par l’écoute des actionnaires et de leurs attentes et repose la question de la vision globale de la famille.
Cette démarche implique les individus dans le collectif, favorise la collaboration entre eux, et porte ainsi en elle-même des impacts très vertueux pour le collectif d’actionnaires et la cohésion familiale. Elle interroge enfin le projet familial, ouvre à son adaptation voire sa réinvention, le rend vivant et favorise sa pérennité.
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Pour aller plus loin :
- Schéma d’organisation pour porter le projet des associés familiaux – Article mis en ligne le 9
- Le projet des actionnaires familiaux – Page d’information mis en ligne en 2020