En termes d’actionnariat et de gouvernance, quelques nouvelles ont attiré notre attention dans les récentes semaines. Il semble que l’activisme s’éloigne des simples champs financiers ou de représentation des intérêts des minoritaires pour investir un champ moins « classique », afin d’exercer une influence sur les comportements des entreprises et leur positionnement dans leur écosystème ou vis-à-vis de leurs parties prenantes. Quand l’actionnaire engagé utilise la boîte à outils de l’actionnaire activiste, assiste-t-on au déploiement d’une nouvelle tendance ? Trois cas très différents illustrent une même dynamique :
- Profitant de la récente chute des cours, l’association PETA (People for the Ethical Treatment of Animal) est entrée au capital du groupe Kering (qui possède Saint Laurent, Gucci ou Balenciaga), mais aussi de Burberry, Ralph Lauren ou Guess. Au-delà de l’impact en communication (que nous ne pouvons que constater !), cette démarche a pour but d’accéder aux assemblées d’actionnaires de ces différentes entreprises et de pouvoir influer sur le processus de décision, afin d’inciter celles-ci à abandonner certaines matières animales pour des matières écologiques et éthiques.
- Des actionnaires de Total s’entendent pour demander au groupe d’aligner ses activités avec l’Accord de Paris. Cette « Résolution climat » a été déposée notamment par Meeschaert Asset Management, La Banque Postale AM, le Crédit Mutuel AM et Ecofi Investissements, une filiale du Crédit Coopératif dans le but de faire réduire par le groupe les émissions de gaz à effet de serre, directes ou indirectes, liées à ses activités.
- Dans un troisième contexte, Phitrust, avec l’appui de Proxinvest, s’engage en tant qu’actionnaire pour faire évoluer la gouvernance stratégique et les pratiques environnementales et sociales des grandes entreprises cotées, convaincu que les entreprises les plus à l’écoute sur ces questions seront les plus performantes sur le long terme.
L’activisme actionnarial trouve son origine dans l’interrogation, voire la défiance, dans une remise en cause par les actionnaires minoritaires ou un désalignement entre eux et les stratégies ou les pratiques déployées par les dirigeants de l’entreprise. Si son action nait dans un climat négatif, l’activiste doit aussi être vu comme poursuivant un but positif (c.f. notre précédent article: FAMILLES ACTIONNAIRES, SOYEZ ACTIVISTES !), voire, maintenant, manifestant un engagement sociétal de long terme, patient et constructif.
Vers un activisme actionnarial pour porter une vision ?
La crise actuelle amène à se poser des questions sur le sens de l’action des entreprises, les choix des actionnaires et des dirigeants et leurs impacts pour le long terme. La responsabilité sociétale des entreprises devient un sujet clé au sein de leur gouvernance voire au sein de leur stratégie. Il est de plus en plus largement partagé que la performance de long terme d’un projet passe par son déploiement en harmonie avec son environnement et l’ensemble des intervenants qu’il mobilise. Au sein des entreprises familiales, la dynamique de transmission entre les générations favorise d’autant plus la recherche d’un sens commun, porteur « à travers les âges ». Longtemps une forme de distinction « entre l’investisseur et l’actionnaire » a semblé prévaloir, le premier valorisant l’épargne, de la manière la plus profitable, il peut donc se défaire des parts de capital achetées, au meilleur prix, et parfois très rapidement, à la différence de la fonction d’actionnaire telle qu’elle s’exerce dans les entreprises au capital patient. Cependant, comme le souligne Pierre-Yves Gomez dans sa chronique du Monde du 8 avril dernier, la crise actuelle, et la raréfaction des ressources qui va l’accompagner pourraient marquer un changement d’époque, imposant de responsabiliser les investisseurs et les questionner sur leur mission. Comment chaque actionnaire va-t-il réfléchir pour agir « au service de tous » ? Loin d’une idéologie anticapitaliste, il s’agirait plutôt du retour d’un actionnariat responsable et partie prenante : l’idée serait alors d’agir comme des actionnaires responsables et engagés et non plus comme de simples investisseurs à la recherche du profit mais en tant que véritable partie prenante à un projet entrepreneurial, au sein d’un écosystème aux côtés des autres parties prenantes. Il est intéressant de noter que l’AMF a choisi d’accompagner ce mouvement d’engagement accru de l’actionnariat avec une série de mesures ciblées sur la transparence et le dialogue au sein de l’actionnariat. Favorisant ainsi ce passage de l’activisme à l’action de long terme, de l’actionnaire financier à l’actionnaire engagé. En tant que membre de l’actionnariat d’une entreprise familiale, mon action INDIVIDUELLE produit des effets au-delà du simple investissement capitalistique.
Notre action COLLECTIVE requiert que nous investissions de manière responsable et engagée, avec des objectifs partagés, et au bénéfice des générations futures. De là, après l’inspiration prise auprès de l’actionnaire activiste, l’actionnaire engagé pourrait bien trouver opportun d’emprunter quelques recettes à l’actionnariat familial !
Références / Pour aller plus loin :
- Investissements de l’association PETA – Lien vers l’article
- Activisme des actionnaires de Total – Lien vers l’article
- Phitrust et Proxinvest s’engagent – Lien vers l’article
- Pierre-Yves Gomez: « Coronavirus : qu’attendre des actionnaires ? » – Lien vers la chronique
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