Ô capital, suspends ton vol ! (Pacte Dutreil, fiducie, fondation actionnaire, fonds de pérennité)

Cerf-volant vert volant dans le ciel

Transmettre un bien (ou un droit), c’est permettre à celui qui le reçoit de bénéficier de la totalité de son utilité, avec la liberté d’en user et disposer en principe à sa guise.

Pourtant, l’un des termes les plus fréquents en matière d’entreprise familiale est bien celui de pérennité, qui se traduirait ici en une transmission guidée par un but supérieur, qui dépasse cette approche purement patrimoniale de la transmission où, par une sorte de rupture brutale, l’un abandonne totalement ce que l’autre reçoit.

Pour bien transmettre l’entreprise, il faut donc sortir du schéma binaire classique de la transmission, selon lequel ce que l’un transmet, l’autre le reçoit pour toujours, avec l’ensemble de ses utilités immédiates et avec pour principe la liberté de consommer ou de retransmettre.

Ici, transmettre, ce n’est pas abandonner, mais confier ; et en principe pour longtemps.

Outre les possibilités « classiques » (mais réelles) déjà offertes par les documents sociétaires tels que statuts et pacte d’actionnaires, de nombreuses institutions ou techniques récemment mises en place dans notre législation juridique ou fiscale favorisent cette approche graduelle, (on serait presque tenté de dire « raisonnée ») de la transmission de l’entreprise familiale, grâce à différents avantages patrimoniaux ou fiscaux : le pacte Dutreil (réforme et PLF 2019), la fiducie, la fondation actionnaire et plus récemment le fonds de pérennité participent à cette conception de la transmission, conçue avant tout comme une mission, plutôt que comme un transfert qui se suffirait à lui-même.

Dans le contexte actuel où l’attention est portée sur les entreprises à mission, il n’est pas indifférent de relever qu’une transmission porte en elle-même une …mission qui dépasse l’opération patrimoniale qui la concrétise.

Et même si le dirigeant-fondateur a souvent du mal à accepter son rendez-vous avec la transmission, qui nécessite d’intégrer la dissociation entre son travail, son œuvre et sa personne, ce moment est idéal pour porter un regard rétrospectif, doublé d’une ouverture vers l’avenir, pour construire une « transmission responsable ».

C’est d’autant plus vrai pour les entreprises familiales, souvent détenues sur trois générations, et qui se trouvent donc en situation de « transmission permanente ».

  • Le pacte Dutreil

Quoique-là ne soit pas sa finalité première, il est clair que, par la stabilité du capital qu’il pose sur le moyen-long terme, le pacte Dutreil « lisse dans le temps » l’opération de transmission et, dans les faits, rend collective l’opération de transfert entre des signataires dont l’intérêt (a minima fiscal) est de faire route ensemble, pour ne pas encourir de déchéance des avantages attachés au pacte.

Chacun sait en effet, que, pour l’essentiel la signature d’un pacte Dutreil permet d’obtenir une réduction des droits de succession considérable dans la mesure où la base de calcul des droits transmis est réduite à un quart de la valeur vénale de l’entreprise, pourvu que les signataires conservent leurs titres un certain temps.

  • La fiducie (« aux fins de transmission »)

Inspirée directement du « trust » anglo-saxon, la fiducie est un instrument, le meilleur sans doute, parmi ceux destinés à pérenniser l’entreprise. Si la fiducie-libéralité reste interdite en droit français pour l’instant, il est clair que la fiducie gestion, notamment lorsqu’elle porte sur un bloc de titres qui peut faire basculer une majorité, démontre à elle seule que l’opération de transmission purement familiale (souvent égalitaire par défaut de choix…et irréversible) connaît ses propres limites.

En complément, la transmission à (et d’une certaine façon « par ») une fiducie, propriété temporaire souvent affectée à la réalisation d’un but (= d’une « mission ». Laquelle ? Celle confiée au fiduciaire) sera parfois la solution.

  • La fondation actionnaire

Plusieurs types de fondation généralistes : les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP), les fondations sous égide (ou abritées), les fondations d’entreprise, voire les fonds de dotation, peuvent désormais, depuis la nouvelle rédaction posée par la loi PACTE, recevoir des titres représentatifs du capital d’une entreprise, sans limitation de seuil de capital ou de droits de vote.

L’opération présente plusieurs avantages, dont celui, non négligeable, de « dé-patrimonialiser » au moins partiellement la transmission.

Comme la fiducie, mais avec des effets souvent plus importants (et sans retour en arrière possible, à l’inverse de la Fiducie qui est conclue pour une durée définie), l’apport à une fondation (au sens large) permet de doter cette entité de moyens (en pratique les dividendes) lui permettant de satisfaire son objet social, « non marchand », mais aussi en parallèle de ce but, d’assurer la préservation de certaines valeurs actionnariales, au-delà des transmissions patrimoniales classiques.

Ce n’est plus simplement l’entreprise qui alloue une part infime de ses bénéfices à une fondation, mais la fondation qui détient l’entreprise elle-même et peut donc comme tout actionnaire, orienter sa stratégie, tout en finançant les causes conformes à son objet « non marchand », grâce aux dividendes qu’elle perçoit.

L’outil a déjà été expérimenté avec succès dans plusieurs pays européens, notamment en Europe du Nord, mais encore peu développé en France, ce modèle a vocation à prendre très rapidement de l’importance comme l’a montré un récent colloque alors qu’elle ne s’était appliquée qu’à quelques cas dont les plus célèbres sont l’Institut Mérieux ou les Laboratoires Pierre Fabre.

Les fondations actionnaires sont essentiellement des histoires de familles, et d’engagement personnel qu’il s’agit de pérenniser en confiant l’avenir des valeurs à la fondation et pas uniquement aux futurs représentants de la famille.

  • Le fonds de pérennité

Nouveauté de la loi PACTE du 22 mai 2019, le fonds de pérennité est un nouveau statut de fondation directement destiné à assurer un actionnariat stable dans une ou plusieurs entreprises.  Comme dans le cas ci-avant de la fondation actionnaire, le fonds est constitué par l’apport gratuit et irrévocable des titres de capital d’une ou de plusieurs sociétés. C’est donc le fonds qui acquiert la qualité d’actionnaire. Cet apport est réalisé par un ou plusieurs fondateurs afin que le fonds gère ces titres et exerce les droits qui y sont attachés. Le fonds a d’abord vocation à contribuer à la pérennité économique de la société dont il est actionnaire.

A la différence de la fondation actionnaire dont il est largement inspiré, mais relevant de la même idée de distinguer transmission et transmission patrimoniale, le fonds de pérennité n’est pas conditionné à une mission d’intérêt général.

Le fonds de pérennité peut permettre de se prémunir contre les OPA hostiles, la dilapidation du capital ou la perte des valeurs fondatrices.

Il pourrait s’avérer être un outil particulièrement efficace pour les entreprises familiales, pour accompagner une transmission patrimoniale « classique ». La transmission serait alors certes celle de l’entreprise, avec ses effets patrimoniaux et entrepreneuriaux, mais aussi celle de la vision et des valeurs du fondateur. Bien transmettre est désormais bel et bien possible avec le fonds de pérennité qui joue en quelque sorte le rôle de « garant ».

On le voit, lorsque la transmission s’appuie sur une de ces techniques que nous venons d’évoquer, elle trouve tout son sens :

  • Elle dépasse, et de loin, le schéma appauvrissement/enrichissement,
  • Elle dépasse le cercle des deux personnes concernées au premier chef (donateur donataire) pour devenir une opération collective entre toutes les parties prenantes : signataires d’un pacte Dutreil, fiducie, fondation etc…
  • Elle n’est jamais une fin en soi, mais devient une technique (souvent collective et marquée par l’exigence de l’écoulement du temps) au service d’un but…que pacte Dutreil, fiducie, apport à fondation ou à un fonds de pérennité peuvent non seulement servir à atteindre, mais parfois incarner et garantir. Et c’est à l’aune de ce projet de long terme, de cette mission que les actionnaires souhaitent se donner, que le « bon » schéma technique va pouvoir être déterminé.

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Graphique des 40 actionnariats accompagnés annuellement
Photo des anciens dirigeants de Family and Co
Infographie des 4000 actionnaires conseillés par Family and Co
Trois bureaux familiaux modernes

Le bilan d’étape

  • C’est notre « rapport de fin de mission », qui évalue (et valorise…) la résolution des problèmes posés, tels que décrits par le diagnostic (qui du coup est mis à jour) …
  • … tout en ouvrant aussi sur les nouveaux enjeux qui restent à aborder ou sur les nouvelles problématiques qui découlent du travail effectué…
  • … afin de garder en mouvement le collectif suite à la démarche.
  • C’est donc bien un « bilan d’étape », dans un processus en mouvement, car ce qui compte c’est la dynamique dans laquelle est placée la famille, pas le fait que Family & Co ait achevé une phase de sa mission !

La synthèse Family & Co

  • Tenant compte à la fois des enjeux identifiés, du contexte d’action et des ressources et contraintes, ce document synthétise les envies des actionnaires, leurs axes de réflexion et dessine les schémas d’organisation utiles pour résoudre ou anticiper d’éventuels problèmes.
  • Il intègre un plan d’action pour permettre à la famille d’approfondir ou concevoir les éléments de projet ou d’organisation qui sont adaptés dans sa situation.

Les entretiens Family & Co

  • Cette analyse complète vise à examiner la situation réelle de l’actionnariat en profondeur, à partir d’un croisement d’entretiens individuels complets et structurés et de moments collectifs
  • Issue d’une expérience de plus de 15 ans auprès des familles, cette grille d’analyse individuelle couvre de façon globale l’ensemble des aspects de la relation entre famille et entreprises, lorsque nombre d’intervenants sur notre marché, issus d’une expertise en particulier, adoptent des prismes techniques plus marqués et se concentrent sur telle ou telle dimension de cette relation.

La matrice des enjeux

  • A partir du diagnostic partagé, les principaux enjeux sont identifiés et discutés
  • Ils sont ensuite hiérarchisés dans la matrice des enjeux de Family & Co (en savoir plus ici)
    La « Matrice des enjeux » classe ces derniers, quelle que soit leur nature, en fonction de la maîtrise qu’en ont les responsables et de l’impact que leur « non résolution » peut avoir sur la vie de la société… ou de la famille.

Le diagnostic initial

  • Le point de départ est le diagnostic effectué par le responsable, seul ou avec F&Co.
  • Celui-ci est ensuite partagé avec le Partner Family & Co, avec lequel il donne lieu à une lecture critique.
  • Le diagnostic est finalement co-construit, c’est-à-dire fait l’objet d’un consensus entre les deux.