La période que nous traversons joue le rôle de révélateur des forces et fragilités des entreprises et de leurs actionnaires. Il apparaît nécessaire pour les actionnaires d’entreprises familiales de tirer les enseignements des mois qui viennent de se dérouler afin de faire l’état aussi bien des aspects positifs que des points plus négatifs qui se dégagent :
- La gouvernance a t-elle été efficace ?
- Le collectif actionnarial a-t-il tenu ?
- Des évolutions capitalistiques sont-elles nécessaires ?
- Quels impacts sur le projet collectif ? L’entreprise a-t-elle joué « son » rôle dans son écosystème ou dans la société face à cette crise ?
Autant de questions qui concernent le projet d’actionnaires et l’organisation adoptée pour le déployer dans les entreprises familiales. S’il convient d’insister sur le fait qu’il n’existe pas un moment idéal pour poser la question du projet d’actionnaire, certains événements peuvent la déclencher, et certaines périodes peuvent permettre de se lancer avec plus de sérénité.
Selon notre expérience, 3 grands moments sont à distinguer pour le lancement d’un tel travail : le moment où « tout va bien », le sentiment de « vagues à l’âme » chez les actionnaires et la « situation d’urgence ».
Quand « TOUT VA BIEN »pour les entreprises familiales
Dans le sillage du « c’est quand il fait beau qu’on répare sa toiture » de Gérard Mulliez, c’est quand il n’existe pas de fragilité particulière identifiée au sein du collectif actionnarial ou de l’entreprise, qu’il faut anticiper des enjeux qui peuvent être de taille mais n’apparaissent que par signaux faibles ou pointent à moyen-long terme.
Les enjeux observés dans les entreprises familiales :
- Le passage d’une génération à une autre : quelle transmission du capital et du pouvoir ?
- Le passage du projet d’un homme à celui d’une famille
- Anticiper (et « capitaliser » sur) l’accroissement du nombre d’actionnaires familiaux
- Réflexion autour de l’évolution (possible) dans la géographie du capital
Les bonnes questions à se poser dans le cadre d’entreprises familiales :
- Quelle force, quel sens, quelle puissance donner au projet d’actionnaires ?
- Susciter adhésion et engouement auprès de la nouvelle génération, l’impliquer, renforcer l’affectio-societatis
- Définir une identité collective, intergénérationnelle et interbranche le cas échéant
- Redonner leur vrai rôle aux références à l’esprit de famille/l’esprit d’entreprise
Quand l’actionnariat manque d’énergie ou le « vague à l’âme chez les actionnaires » dans les entreprises familiales
Ce contexte peut avoir plusieurs origines possibles. Cela peut être lié à une entreprise qui « ronronne » ou dont le business modèle est (doucement) remis en question. Cela peut être lié à un questionnement par les actionnaires des axes stratégiques (absence de clarté, désaccords, incompréhensions) et qui surgit à propos d’une opportunité de croissance interne ou externe. Enfin, cela peut être lié tout simplement à l’élargissement de l’actionnariat et une distance qui se crée entre les actionnaires et l’entreprise familiale ou les entreprises familiales.
Les enjeux observés :
- « Bien faire » pendant qu’il est encore temps
- Maintenir les équilibres de son actionnariat
- Éviter son éclatement en renforçant sa cohésion
- Accepter la réalité, être lucide ensemble et ne pas penser « qu’on a toujours le temps » (ne pas se retrancher derrière cela)
Les bonnes questions à se poser :
- Quels principes fondamentaux et valeurs pour un socle commun ?
- Quelles sont les attentes des actionnaires (TOUS les actionnaires) ?
- Quel projet / stratégie d’actionnaires ? Quels grands enjeux des 5 / 10 prochaines années sur le plan actionnarial / managérial ?
- Quelle gouvernance / quel mode de direction efficace compte tenu des réponses aux questions précédentes ?
- Oser questionner les évidences liées à l’histoire, aux entreprises etc…
La « Situation d’urgence » (positive ou négative) des entreprises familiales
Ce contexte comme son nom l’indique est non anticipé (souvent par manque de réflexion en amont). Cette situation peut découler d’un élément négatif (décès d’un actionnaire clé, manque de cohésion/crispations entre actionnaires ou avec les dirigeants, entreprise en crise…) ou un élément positif (par exemple l’arrivée d’une offre de rachat « surprise » ou une opportunité de marché nécessitant un financement qui passerait par du capital)…
Les enjeux observés dans les entreprises familiales :
- Éviter l’erreur voire la catastrophe ou éviter de laisser passer l’opportunité
- Faire preuve de courage actionnarial et de réactivité pour prendre les décisions qui s’imposent
- Faire prendre conscience aux actionnaires de leurs responsabilités
Les bonnes questions à se poser :
- Identifier les motivations qui conduisent à « rester ensemble » (ou à « ré »-investir)
- Savoir marquer une pause pour écrire les « règles », des règles claires pour éviter les conflits futurs
- Relancer / recréer une dynamique qui fédère ses actionnaires derrière un projet commun, puissant
L’intervention d’un tiers : la boussole, le catalyseur et le paratonnerre
Faire intervenir un tiers (non familial) dans les entreprises familiales dans le lancement de cette réflexion ; que ce soit un cabinet de conseil, un administrateur indépendant ou un conseil historique est souvent essentiel et ce, pour trois raisons principales : (i) la neutralité et le regard sans affect, (ii) le rythme et la méthode et (iii) enfin l’expérience. Dans tous les cas, il s’agit bien de se lancer dans une réflexion collective qui nécessitera de se faire confiance et de faire confiance aux autres.
Pour conclure, le moment des vacances d’été peut permettre de se poser plus sereinement les questions des chantiers à ouvrir au sein de l’actionnariat. Plus encore peut-être après ce début d’année particulièrement agité laissant place à une seconde partie d’année pleine d’incertitudes.
Bonnes réflexions à tous et bonnes vacances.
Références / Pour aller plus loin :
-
- Publication Family & Co – Les 10 commandements pour la pérennité des entreprises familiales