Quelle que soit la taille de leur entreprise (PME, ETI, Grande entreprise familiale, au capital 100% familial ou non, cotée ou non) et le nombre de générations. Avec un niveau de maturité de leur organisation et de leur « réflexion » familiale qui peut varier. Le capital est réparti sur plusieurs têtes, plusieurs branches, plusieurs générations.
On y trouve à la fois des actionnaires dits « actifs » et des actionnaires « passifs ». Ce sont des associés souvent animés par une réelle « fierté » et ont la volonté de (bien) transmettre le capital, mais aussi une « certaine façon d’être actionnaire ».
Ils sont souvent attachés à la pérennisation de l’entreprise et de son histoire, et au caractère familial de l’actionnariat.
Derrière ce terme d’associés familiaux se présente un collectif d’individus. Un collectif qui vit et évolue avec le temps, au fil des générations notamment, avec des profils souvent très divers. Ils ont pourtant une chose en commun : exception faite de la génération des fondateurs, les associés familiaux ont rejoint l’aventure au fil des donations ou des successions et n’ont pas choisi délibérément d’être associés.
Ce faisant, l’associé familial n’a pas eu à exprimer une quelconque motivation, matérialisée concrètement par une décision d’investir. Pourtant, on lui demande de rester fidèle au projet familial, et si possible pour longtemps. S’il n’a finalement jamais challengé sa motivation en amont, avant de devenir associé, il doit cultiver de manière récurrente sa motivation à demeurer associé et trouver son positionnement au sein de l’actionnariat. Faute de quoi un sentiment de désintérêt pourrait naître chez certains, voire une envie réelle de quitter le collectif.
Cette diversité des profils est une des caractéristiques premières de l’actionnariat familial. Elle apporte une grande richesse au projet entrepreneurial, tout en assortissant la stabilité actionnariale d’un fort aléa.
Ces atouts et fragilités s’accentuent bien évidemment au fil du temps par l’effet multiplicateur des passages de générations et l’augmentation souvent induite du nombre des associés. On trouve ainsi dans ce collectif disparate des dirigeants (dans l’entreprise ou à l’extérieur) habitués à gérer et à prendre des décisions rapides, des financiers maniant parfaitement les chiffres, des hommes ou des femmes pour lesquels les questions de rentabilité peuvent paraître secondaires, des salariés préoccupés par leurs propres carrières, des artistes, des étudiants éparpillés autour du monde et bien loin de toute considération économique, ou tout simplement des personnes satisfaites d’être actionnaires, sans en mesurer les enjeux… : autant de profils différents, opposés ou complémentaires, de par leurs expériences, leurs cultures économiques, leurs savoir-faire, leurs situations personnelles ou patrimoniales, leurs visions long terme ou les moteurs de leur attachement à l’entreprise, et qui doivent pourtant former un collectif uni.
La différence entre les associés familiaux s’exprime également par la diversité des situations juridiques : certains seront minoritaires, d’autres majoritaires ; certains bénéficieront d’avantages afférents aux droits de vote ou à la perception de dividendes, d’autres non ; certains détiendront leurs titres en pleine propriété, d’autres en nue-propriété ou en usufruit (viager ou temporaire), le tout soit directement, soit par l’intermédiaire d’une société holding.
Il existe également une hiérarchisation implicite entre les associés, peu explicite mais bien présente, et qui peut porter en elle des facteurs de détachement voire de rupture au sein de l’actionnariat.
On oppose ainsi :
Les associés familiaux se trouvent enfin dans la position de devoir réconcilier les valeurs, moteurs et modes de fonctionnement de deux mondes que tout sépare : la famille et l’entreprise. En forçant à peine le trait pour le besoin de l’illustration, on peut présenter ces différences comme suit.
D’un côté la famille voit son organisation fondée sur les générations, avec pour moteur l’affection voire l’amour, fonctionnant sur le principe de l’égalité, valorisant des valeurs personnelles de modestie, avec une communication discrète, voire pudique, surtout en cas de crise, ce qui peut amener à figer totalement la situation.
De l’autre côté, l’entreprise est tendue vers la recherche de performance, promouvant des leaders qui doivent afficher de l’ambition et donner de la visibilité à l’action, voire rechercher de la publicité et notamment en cas de crise lorsque l’on souhaite « avoir la main ».
Il n’est pas difficile de constater ces premiers écarts. Un autre et non des moindres est la différence de rythme entre ces deux univers : l’un vit dans le temps long au rythme des générations, des naissances, des mariages, des enterrements et des anniversaires… L’autre voit le long terme à l’horizon de cinq ans, et rythme son action à l’aide de plans semestriels ou annuels et de reportings hebdomadaires ou mensuels.
Veiller à synchroniser deux environnements à ce point différents apparaît donc bien complexe, et ce d’autant plus que ces deux mondes sont en mouvement perpétuel, ne sont pas figés l’un par rapport à l’autre. Le premier jour, le fondateur est par nature un « familial » et incarne à lui seul l’entreprise : les cercles de la famille, de l’actionnaire et de l’entreprise sont superposés. Puis au fil des transmissions familiales et des développements de l’entreprise, les cercles se déplacent, changent de taille et ne sont plus superposés : tous les familiaux ne sont pas forcément associés, tous les associés ne sont pas forcément familiaux et l’entreprise grandit. L’articulation entre famille et entreprise doit composer avec ce mouvement continu, dont dépendent pour parties les performances de chacun.
Le premier pas indispensable à la réflexion sur l’identité du collectif actionnarial est d’accepter ce collectif et d’y accueillir chaque individu pour ce qu’il est : un associé, quel que soit son rôle dans ou auprès de l’entreprise, quelle que soit son activité hors de l’entreprise. Peu important son profil, chacun doit jouir des mêmes droits et devoirs, à proportion de sa part de capital. Ces associés sont inscrits dans une lignée familiale, dans la suite du (ou des) fondateur(s) de l’entreprise. Cette acceptation de la situation actionnariale est un préalable à la mise en œuvre d’une dynamique familiale. Chacun doit comprendre la spécificité « classique » (parce que rencontrée par de multiples familles) dans laquelle il prend place. Un tiers, conseil ou administrateur indépendant par exemple, peut jouer un rôle important à cet égard. Le partage d’expérience avec d’autres familles aide également à la prise de conscience : en tant que maillon d’une histoire collective, d’autant plus si la chaîne est longue (plusieurs générations), il est en effet très difficile de prendre le recul nécessaire à cette prise de conscience sans une aide extérieure.
Cette spécificité de l’actionnariat familial porte des droits et des devoirs pour les individus qui le composent, ainsi que beaucoup de valeur pour l’entreprise que ces derniers détiennent collectivement : c’est le concept de « familiness ». L’ensemble des dimensions relationnelles issues de la famille ou des « ressources sociales » mobilisables par les associés familiaux (circulation de l’information, capacité à collaborer, vision et comportements partagés), croisées avec celles de l’entreprise, cristallise très concrètement et quotidiennement une valeur spécifique profitant au projet de l’entreprise, lequel bénéficie ainsi d’un capital social « augmenté ».
Le concept de familiness emporte ainsi la forme de « supplément d’âme » apporté par la famille au projet de l’entreprise : être une entreprise familiale, un « family business », est souvent synonyme d’ancrage local, d’empreinte culturelle forte et de valeurs, incarnés par la famille.
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