Et si la pérennité de votre entreprise familiale tenait en 7 points ? Les tendances 2019-2020 de l’entreprise familiale
Dans la dernière décennie, tous les majors du conseil (BCG, Deloitte, EY, KPMG ou PwC) ont créé des practices dédiées aux entreprises familiales et ont mené des études ou des enquêtes pour mieux les connaître et donc mieux comprendre leurs spécificités. Dans le même temps, la recherche académique a commencé à s’intéresser à ce sujet en créant des équipes menant des travaux d’analyse sur ces entreprises familiales. De notre côté, nous avons étudié toutes ces données puis nous les avons confrontés à notre expérience de terrain pour en tirer 7 sujets, concernant la SWOT de l’entreprise familiale.
7 thèmes que nous avons choisi de vous présenter de manière simple, sous une forme que vous connaissez, la matrice SWOT. 7 particularités de l’entreprise familiale qui sont constantes.
Nous avons délibérément choisi de ne pas aborder la gouvernance qui est pourtant un thème clé de toutes les entreprises familiales car nous avons déjà publié plusieurs articles résumant nos réflexions sur ce sujet (« le contrôle de l’entreprise familiale », « Les 10 commandements », conférence: « gouvernance, accélérateur de croissance » etc.)
Points forts
Valeurs, finalités
(Sources: PWC Global Family Business Survey 2018)
D’après les dirigeants interrogés par PWC (PWC 2018) : avoir un sens clair des valeurs communes a un impact sur la rétention et le recrutement des collaborateurs mais aussi sur la performance économique de l’entreprise. Par ailleurs, un cadre aurait été mis en place par la majorité des entreprises pour exprimer leurs missions et valeurs : 56% les ont inscrites dans un document formel. Enfin, 53% des entreprises qui affichent une croissance à deux chiffres avaient défini leurs valeurs dans un tel document.
Nous encourageons les actionnaires familiaux à définir ensemble leur vision pour l’avenir de leur entreprise en s’assurant de sa compatibilité avec leurs valeurs. Quelle performance souhaitons-nous avoir et dans quels domaines ? Quelle performance économique ? Quel impact positif sur notre environnement naturel et social ? Il convient de clarifier également le rôle et le poids de chacun : actionnaires fondateurs, autres actionnaires actuels, managers voire cadres non-actionnaires… Sans oublier de remettre en cause les fausses évidences (Peut-être vaut-il mieux vendre une activité qui ne correspond plus aux aspirations de la famille que de la garder parce qu’« on a toujours fait ça » ! Mieux vaut qu’une partie de la famille quitte l’aventure si elle ne se reconnaît plus dans le projet…).
Stratégie long terme (à 5 ans dans plus de 50% des cas)
(Source : Enquête de Deloitte global family business, 2019)
Preuve de l’inscription dans le temps des entreprises familiales, la formalisation d’un plan stratégique existe pour plus de de 89% des sondés (qu’il soit formel ou informel). Le plus intéressant pour nous est que celui-ci semble avoir été posé dans un horizon de plus de 4 années pour plus de 50% des sondés (Deloitte 2019).
La formalisation d’une ambition stratégique est importante pour l’entreprise. Elle est primordiale pour l’actionnaire. En effet, en tentant de porter une ambition collective grâce à un projet d’actionnaire, l’actionnaire va pouvoir envisager le futur autour d’un même but et renforcer ainsi son socle. Attention néanmoins à l’alignement des enjeux entre l’entreprise et la famille, que nous traitons plus loin.
Points faibles
Plan de succession bien formalisé (seulement dans 25% des cas)
(Source : Enquête de Deloitte global family business, 2019, EY Aujourd’hui ou jamais ?)
La formalisation d’un plan de succession (ici pour le poste de CEO) semble avoir été actée de façon officielle pour seulement 26% des sondés, pour les autres postes de direction entre 18% et 19% (Deloitte 2019). D’après EY 97 % des entreprises familiales qui n’ont pas défini de politique de succession ne survivent pas au-delà de la troisième génération
Il n’existe ni moment idéal pour bien transmettre, ni moment propice pour prendre la succession d’un dirigeant. Une « bonne » transmission passe par l’élaboration d’un processus de planification et d’identification des futurs dirigeants et la mise en place d’une gouvernance active sur ce sujet.
Il convient de garder en tête que les futurs dirigeants ne sont pas forcément familiaux et que la transmission du capital n’est pas forcément égalitaire entre les enfants. Enfin, une transmission « subie » pose beaucoup plus de problèmes (pérennité de l’activité ?) et coûte beaucoup plus cher (fiscalité !) qu’une transmission préparée. Dans le cadre de cette préparation, il est aussi nécessaire d’anticiper les accidents, avec un plan d’urgence qui viendra compléter ce plan de transmission.
Opportunités :
Priorité à l’innovation, digital & Intelligence artificielle
(Source : Enquête de Deloitte global family business, 2019, KPMG Baromètre des entreprises familiales européennes et PWC : Global NextGen Survey 2019)
Dans l’enquête Deloitte, le principal enjeu influençant les marchés des entreprises est l’adoption de la technologie sur le lieu de travail (50%) suivi de l’évolution du comportement des consommateurs (46%). Du côté de KPMG, les dirigeants d’entreprises familiales ayant répondus au baromètre 2019 sont 72% à citer l’innovation comme l’une de leurs priorités pour les deux prochaines années.
L’entreprise familiale est un carrefour de générations. Les nouvelles générations ne sont donc jamais loin des anciennes, et contribuent ainsi à apporter une dynamique nouvelle au sein de l’entreprise… à condition qu’on leur en laisse la possibilité !
L’innovation occupe une place importante pour ces nouvelles générations : 76% des successeurs des interrogés situent l’innovation dans le top 3 de leurs priorités pour l’entreprise. Par ailleurs, et en transition avec notre point suivant, 90% des next-gen interrogés dans le cadre de la next gen survey (PWC 2019) indiquent que le passage de l’entreprise dans la maturité digitale nécessitera un vrai changement pour l’entreprise familiale.
Next gen : de futurs actionnaires, salariés voire dirigeants
(Sources: PWC : Global Family Business Survey 2018, PWC : Global NextGen Survey 2019)
Nous l’avons vu précédemment, la préparation de la transmission reste un point noir pour les entreprises familiales. Ainsi, l’étude PWC (PWC 2018) repérait que 57% des entreprises avait un plan de transmission (direction ou capital) vers la next-gen mais une minorité était prêt à le faire à court terme et 50% était prêt à le faire dans les 6 à 10 ans. Or la Next-Gen semble souhaiter une montée en puissance ou en tout cas pouvoir participer à la réflexion et à la prise de décision.
En soutien du socle actionnarial, une démarche spécifique vers les nouvelles générations, en forme de plan « d’intégration », parfois depuis le plus jeune âge en commençant par le développement des liens familiaux, vous fera bénéficier d’un regard nouveau sur l’entreprise. Il sera ainsi nécessaire de prévoir leur formation et leur intégration progressive à des processus de décision et de responsabilisation, tout en veillant à les laisser libres de leur chemin de vie. Il faut savoir sortir du schéma classique dans lequel ce sont les « anciens » de la famille qui gouvernent seuls.
Menaces :
Guerre des talents dans le recrutement (plus de 70% des entreprises)
(Source : KPMG « Baromètre des entreprises familiales européennes 2019 » et étude PWC : « Global Family Business Survey 2018 »)
Les difficultés liées au recrutement sont identifiées dans l’étude de PWC (PWC 2018) ou dans toutes les éditions du baromètre KPMG. Ces difficultés reviennent une nouvelle fois comme étant un challenge majeur pour les entreprises familiales. Intimement liées à la nécessité d’innover, les entreprises se livrent une concurrence sans merci pour recruter des collaborateurs compétents et les retenir.
Pour plus de 40 % des entreprises interrogées (KPMG 2019), attirer et conserver une main-d’œuvre qualifiée représente le principal motif de préoccupation. Celle-ci se retrouve à 56% pour les dirigeants interrogés par PWC (PWC2 018)
Dans la guerre des talents pour les positions de dirigeant(e)s dans les PME/ETI, il est crucial de prêter une attention particulière au plafond de verre imaginé par les talents extérieurs. En effet, ils peuvent craindre que l’arrivée ou le « parachutage » de membres de la famille puissent limiter leur propre progression dans l’entreprise. Préciser la philosophie de recrutement des familiaux et mettre en place un processus RH clair et partagé peut apporter des éléments de réponse sur cet aspect.
Alignement du business avec la famille (risque de désalignement exprimé par plus d’un tiers des répondants)
(Source : Enquête de Deloitte global family business, 2019)
Les réponses rassemblées par Deloitte ¹ indiquent que seulement 35% des répondants sont totalement d’accord avec le fait que les objectifs (individuels) des membres de la famille et de l’entreprise sont alignés et moins d’un tiers des répondants disent que leur famille est d’accord avec le développement futur (10 à 20 prochaines années) de l’entreprise.
Ces chiffres mettent en lumière l’effort à fournir au niveau de l’actionnariat afin de s’assurer de l’existence et la solidité du « socle actionnarial » en soutien du projet de l’entreprise. Un désalignement peut conduire à des désaccords voire à des ruptures qui, non anticipés, peuvent être préjudiciables au bon développement de l’aventure familiale.
L’ancrage territorial: l’une des clés de la réussite des entreprises familiales ?
En synthèse, la réponse des familles actionnaires à cette matrice SWOT pourrait être trouvée dans une spécificité très largement partagée des entreprises familiales, qui est peu évoquée dans les études et recherches académiques : leur attachement à leur territoire !
Les 7 points décrits ont tous un lien avec cet ancrage territorial : RH et social, environnement et long terme, innovation et next-gen, attractivité et qualité de vie du territoire, succession intra-familiale, alignement de la famille et du business… autant de responsabilités assumées pleinement par les actionnaires familiaux au profit de leur environnement social et naturel direct, leur ville, leur territoire.
L’une des clés de la réussite des entreprises familiales serait donc peut-être à chercher dans leur engagement local au niveau économique, social, sociétal, environnemental, … voire politique.
L’actionnaire familial est concerné au premier chef par le territoire où exerce son entreprise. Historiquement, le développement des régions françaises a été porté par des entrepreneurs familiaux qui ont choisi de s’impliquer personnellement dans la réussite collective. Aujourd’hui, cette situation est encore une réalité dans les territoires, en France, mais aussi dans le monde.
Voilà qui pourrait être l’atout supplémentaire de cette économie si particulière contrôlée par des actionnaires familiaux ? Un ancrage territorial désiré et entretenu au quotidien comme une opportunité… plutôt que subi comme une contrainte ? Un attachement à la réussite collective des proches, au service de la réussite de l’entreprise familiale ?
Nous continuerons à suivre les études et recherches académiques pour tenter de mieux comprendre les facteurs déclenchant de ces réussites et nous vous donnons rendez-vous l’an prochain pour la suite de cette analyse.
Références / Pour aller plus loin :
- Deloitte : Enquête de Deloitte global family business, 2019. Lien par ici
- EY : Aujourd’hui ou jamais. Lien par ici
- KPMG Baromètre des entreprises familiales européennes 2018. Lien par ici
- PWC : Global Family Business Survey 2018. Lien par ici
- PWC : Global NextGen Survey 2019. Lien par ici
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